TGI de Nanterre Ordonnance de référé 30 novembre 2012, UMP / Oracle

vendredi 30 novembre 2012
par  Sebastien Canevet
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L’association Union pour un mouvement populaire (l’UMP) a signé le 30 décembre 2010 avec la société Oracle France un contrat dénommé "Software as a service" permettant la mise à disposition d’un logiciel de gestion d’une base de données nominatives "Oracle CRM On Demand" partagé entre plusieurs utilisateurs selon la technique du "Cloud computing".

Ce contrat, qui a pour objet la gestion et l’hébergement des données nominatives de l’UMP au sein d’une base dénommée "Base Pop", a été conclu pour une durée de deux ans et arrive à expiration le 29 décembre 2012.

Ayant souhaité reprendre ses données pour les confier à un autre prestataire à l’expiration de ce contrat, l’UMP s’est heurtée à diverses difficultés techniques qu’elle a signalées le 7 octobre 2012 à la société Oracle France. Le 18 octobre 2012, cette dernière lui a indiqué que l’impossibilité rencontrée pour récupérer les données était la conséquence d’un "bug" de la 20ème version de l’application Oracle CRM On Demand opérationnelle depuis le 21 septembre 2012 et qu’en attendant la mise en œuvre de la 21eme version, un correctif spécifique à l’environnement de l’UMP était en cours de réalisation et une solution de contournement en préparation.

C’est dans ces conditions que l’UMP, après lui avoir adressé une mise en demeure le 2 novembre 2012, a, par acte du 12 novembre 2012, assigné en référé la société Oracle pour obtenir, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, sa condamnation sous astreinte à lui fournir tous moyens techniques de nature à lui permettre l’exportation de l’ensemble de ses données nominatives hébergées et à lui payer la somme de 3500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Oracle fait valoir que la procédure est sans objet dans la mesure où les opérations de correction de l’anomalie sont en cours de finalisation. Elle précise à cet égard que les stipulations contractuelles ne prévoient pas de délai de correction des anomalies de fonctionnement, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir manqué à ses obligations contractuelles.

Elle ajoute que la demande de l’UMP se heurte à une contestation sérieuse et que celle-ci ne justifie ni d’un dommage imminent, ni d’un trouble manifestement illicite, de sorte que ce qui est sollicité excède les pouvoirs du juge des référés.

Elle demande qu’il soit pris acte de ce qu’elle s’engage à maintenir l’accès de l’UMP à la solution Oracle CRM On Demand jusqu’à ce que l’UMP ait pu exporter la totalité de ses données.
DISCUSSION

Selon l’article 809 du code de procédure civile, même en cas de contestation sérieuse, le président du tribunal de grande instance peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le défaut de fonctionnement de la solution Oracle CRM On Demand dont se plaint l’UMP est l’impossibilité dans laquelle est cette dernière d’utiliser la fonctionnalité permettant l’exportation de ses données. Cette impossibilité a pour conséquence de priver la société que l’UMP a choisi pour gérer sa base à l’expiration du contrat qui la lie à la société Oracle France de lancer une opération de reprise des données dans des délais suffisants pour être en mesure d’être opérationnelle dès le 30 décembre 2012.

Or, si ce nouvel opérateur n’est pas en mesure de reprendre les données à la date convenue, l’UMP se trouvera privée à cette date de la faculté d’exploiter sa base et, par voie de conséquence, non seulement de remplir ses obligations légales à l’égard de ses adhérents mais aussi d’assurer normalement son propre fonctionnement.

L’article I du contrat signé par les parties stipule certes que le client bénéficie d’un délai de 60 jours à compter de la résiliation de la commande pour accéder aux services et récupérer le fichier des données. Dans un courrier électronique adressé la veille de l’audience, le 28 novembre 2012, l’un des responsables techniques de la société Oracle a aussi fait savoir à l’UMP que "si, pour une raison quelconque, (l’UMP) n’(a) toujours pas (ses) données complètes avant le 31 décembre 2012, (son) compte rester(ait) actif jusqu’à ce que l’exportation complète soit réalisée".

Cet engagement a été confirmé par la société défenderesse par une note adressée, avec notre autorisation en délibéré, par son avocat qui indique que la fonction d’exportation sera maintenue par elle sans frais au delà du 31 décembre 2012 pour une durée de 60 jours minimum.

Mais il n’est pas sérieusement contestable que le prestataire retenu par l’UMP pour succéder à la société Oracle ne peut être opérationnel le jour suivant la fin de la prestation de la société Oracle s’il n’a pas disposé auparavant d’un délai suffisant pour procéder à la reprise des données.

Au regard non seulement de ce qui avait été initialement convenu entre l’UMP et ce prestataire, mais aussi des conditions de maintien de service stipulées au contrat d’Oracle, il peut être considéré qu’un tel délai ne peut être inférieur à deux mois.

Il s’ensuit que le fait que la société Oracle se soit engagée à maintenir à l’UMP l’accès à son service jusqu’à ce qu’elle soit en mesure d’exporter ses données n’est pas de nature à garantir à cette dernière, si la société Oracle ne parvenait pas à mettre en œuvre son dispositif correctif avant le 28 décembre 2012, qu’elle ne sera pas privée de la faculté d’utiliser sa base au delà de la date du 28 février 2013.

Le contrat de prestation de service conclu par la société Oracle et l’UMP est un contrat d’intérêt commun. Le prestataire informatique y est donc censé ne pas poursuivre aveuglément son intérêt exclusif mais assumer aussi, dans une certaine mesure celui de son client. A ce titre, il doit contribuer, sinon à chercher la solution la plus avantageuse, à tout le moins éviter celle qui aboutirait à causer un dommage à son client. Il n’ensuit qu’en dépit des dispositions stipulées à l’article E du contrat, selon lequel "Oracle ne garantit pas que les services seront exempts d’erreur ni qu’ils fonctionneront de manière ininterrompue ni qu’Oracle corrigera les erreurs des services" la société Oracle ne peut soutenir, de bonne foi, qu’elle ne manquerait pas à ses obligations contractuelle si elle ne permettait pas à l’UMP de bénéficier en temps utile de ses données pour permettre à son nouveau prestataire de les exploiter et d’être opérationnel dès la fin de sa propre prestation.

Il apparaît dans ces conditions nécessaire, afin de prévenir le dommage que pourrait subir l’UMP, si elle n’était pas en mesure d’accéder à sa base avant le 28 décembre 2012, et donc de bénéficier d’un délai suffisant pour que son nouveau prestataire soit en mesure d’être opérationnel deux mois plus tard, d’enjoindre sous astreinte à la société Oracle soit de le fournir sans délai les moyens techniques de nature à lui permettre l’exportation de l’ensemble de ses données nominatives hébergées, soit de lui garantir qu’elle lui assurera, aux mêmes conditions tarifaires que dans les deux mois précédents, la prolongation de l’accès complet au service Oracle CRM On Demand au delà du 28 février 2013 et ce, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où elle sera en mesure de procéder à cette exportation.

Il serait inéquitable que l’UMP supporte l’intégralité de ses frais de procédure non compris dans les dépens.

DECISION

Par ces motifs

. Enjoignons à la société Oracle France, sous astreinte de 5000 € par jour de retard, quarante huit heures après la signification de la présente décision :

soit de fournir à l’UMP les moyens techniques de nature à lui permettre sans délai l’exportation de l’ensemble de ses données nominatives hébergées,
soit de garantir à l’UMP qu’elle lui assurera, sans frais, la prolongation de l’accès complet au service Oracle CRM On Demand, au delà du 28 février 2013 et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où elle sera en mesure de procéder à l’exportation de ses données nominatives hébergées,

. Nous réservons la liquidation de cette astreinte,

. Condamnons la société Oracle France à payer à l’UMP la somme de 2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamnons la société Oracle aux dépens.

Le tribunal : M. Vincent Vigneau (président)

Avocats : Me Philippe Blanchetier, Me Valérie Sedallian


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