TA Paris Ordonnance de référé - 26 juin 2013 Nexedi, Linagora / GIP Renater

mercredi 26 juin 2013
par  Sebastien Canevet
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Tribunal administratif de Paris Ordonnance de référé du 26 juin 2013
Nexedi, Linagora / GIP Renater

FAITS ET PROCÉDURE

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la société Nexedi, et la société Linagora, par Mes Savoye et d’Halluin ; la société Nexedi et la société Linagora demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d’annuler la procédure de passation du marché de service de messagerie collaborative et hébergement IaaS lancée par le GIP Renater :

2°) de mettre à la charge du GIP Renater une somme de 4000 € au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société Nexedi et la société Linagora soutiennent qu’elles ont un intérêt à agir dans la mesure où le marché concerne leur domaine d’activité et ont vocation à conclure de tels contrats ; que les spécifications techniques de l’appel d’offre sont discriminatoires et injustifiées en tant qu’elles imposent en pratique le logiciel payant Zimbra Network Edition et excluent alors d’autres logiciels libres pouvant répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur, favorisant spécifiquement une entreprise, la société VNWare, et ses partenaires commerciaux ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2013, présenté pour le groupement d’intérêt public (GIP) Renater par Me de Belent concluant au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge solidaire des requérantes une somme de 4000 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le GIP Renater fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable dans la mesure où les requérants n’avaient pas vocation à conclure l’un ou l’autre lot du marché, que si les prestations du lot n°2 peut entrer dans le champ de compétence des requérantes, la société Nexedi n’a pas la capacité de l’assumer ; que les deux lots du marché ne portent en aucun cas sur l’acquisition d’un logiciel de messagerie, puisque les licences de messagerie nécessaires sont fournies par le GIP comme le précise l’article 5 du CCTP, mais sur des prestations d’hébergement offrant des ressources de traitement et des capacités de stockages ainsi que sur des solutions d’exploitation et de maintien en condition opérationnelle de plateformes IaaS ; subsidiairement, que les spécifications techniques du marché sont adaptées à ses besoins de fonctionnalité à ajouter au logiciel de messagerie qu’elle a acquis auprès de l’UGAP, et sont alors conformes aux dispositions du II de l’article 3 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ; que la référence à ce logiciel ne restreint nullement les offres de service par l’intermédiaire des différentes interfaces librement accessible et susceptibles d’interagir avec le logiciel Zimbra quelque soit sa version ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2013, présenté pour la société Nexedi et la société Linagora par Mes Savoye et d’Halluin concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elles ajoutent que l’accès aux interfaces de programmation du logiciel Zimbra, choisi discrétionnairement par le GIP sans mise en concurrence, et non au code source, lequel n’est permis qu’aux titulaires d’une licence, ne permet pas de l’adapter et donc de répondre aux attentes du pouvoir adjudicateur, favorisant ainsi les seuls titulaires d’une telle licence ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2013 à 12h26, présenté pour le GIP Renater par Me de Belenet concluant aux mêmes fins que son premier mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 18 janvier 2013 par laquelle le président du tribunal a désigné M. Baffray connue juge-des référés ;

Vu l’ordonnance n° 2005-649 du 20 juin 2005 relative aux marchés passés per certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

Vu le décret n°2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir, au cours de l’audience publique du 25 juin 2013 à 14h30, lu le rapport de l’affaire et entendu :

les observations de Me d’Halluin pour les sociétés requérantes, reprenant, après avoir pu prendre connaissance du dernier mémoire présenté par le défendeur, les moyens et arguments développés dans ses écritures, en outre, ajoutant que les deux lots du marché sont techniquement liés et qu’elle a donc intérêt à contester la procédure de passation des deux, soulevant un moyen d’annulation tiré du défaut de précision des documents de la consultation sur la version du logiciel de messagerie utilisé par le pouvoir adjudicateur, enfin, insistant, au titre du moyen tiré de l’existence de spécification techniques discriminatoires et non justifiées par l’objet du marché, sur le fait que l’exécution du marché impose en pratique l’accès au code source du logiciel litigieux et la possibilité de le modifier pour satisfaire au taux de réussite fixé à 99,9% par le GIP Renater, ce que ne permet pas la licence qui sera mise à disposition du titulaire du marché par le pouvoir adjudicateur ;

et les observations de Me de Belenet pour GIP Renater, reprenant les observations exposées dans ses mémoires en défense, ajoutant que le marché ne prévoit pas une modification du code source du logiciel de messagerie et que l’objet du marché est uniquement d’offrir des solutions d’hébergement et d’exploitation de ce logiciel via des interfaces compatibles en « opensource », comme l’ont fait les entreprises ayant présenté une offre et comme en étaient capables les requérantes si l’on se réfère aux prestations qu’elles ont déjà exécutées ;

La clôture de l’instruction ayant été prononcée au terme de l’audience, à 16h15 ;

DISCUSSION

Considérant qu’aux termes de L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administration ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ; qu’aux termes de l’article L. 551-10 de ce code : "Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…)" ;

2. Considérant que, par un avis d’appel à la concurrence publié le 27 avril 2013 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, le GIP Renater a lancé une procédure de passation pour l’attribution des deux lots du marché de service de messagerie collaborative et hébergement IaaS ; que les sociétés Nexedi et Linagora, qui font valoir qu’elles ont un intérêt à conclure les contrats correspondant bien qu’elles n’aient pas présenté de candidature pour leur attribution après avoir retiré un dossier de consultation, demandent l’annulation de cette procédure de passation ;

Sur la procédure de passation du marché

3. Considérant en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les deux lots du marché litigieux avaient pour objet des services, d’une part, d’hébergement et, d’autre part, d’exploitation et de maintenance d’un logiciel de messagerie électronique nommé Zimbra ; que si la société Nexedi et la société Linagora font valoir que les documents de la consultation étaient insuffisamment précis en tant qu’ils ne précisaient pas la version du logiciel à héberger ou exploiter, il ressort des pièces du dossier et des écritures des requérantes que les renseignements figurant dans ces documents permettaient aux sociétés ayant vocation à conclure le marché de déduire sans ambiguïté que ce marché portait sur la version « Network » du logiciel de messagerie Zimbra, comme elles l’ont spontanément compris et en ont tiré argument pour justifier l’absence de présentation d’une offre ; qu’ainsi, ce prétendu défaut de précision des documents de la consultation sur la version du logiciel de messagerie utilisé par le pouvoir adjudicateur n’a pas été susceptible de léser les requérantes ;

4. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 10 de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée : « Après avoir défini ses besoins, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice précède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions et sous réserve des exceptions définies par décret en Conseil d’Etat. » ; qu’aux termes du I de l’article 2 du décret du 30 décembre 2005 aussi susvisé : « Les prestations qui font l’objet d’un marché sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° Soit par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d’autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; 2° Soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l’objet du marché et au pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de ce décret :

« I. - Les spécifications techniques mentionnées au I de l’article 2 permettent l’égal accès des candidats et ne peuvent pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés à la concurrence. Chaque fois que possible, elles sont établies de manière à prendre en compte des critères d’accessibilité pour les personnes handicapées ou, pour tous les utilisateurs, des critères de fonctionnalité. II. - Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou une telle référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l’objet du marché au, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle et à la condition qu’elle soit accompagnée des termes “ou équivalent” (…) » ; que, s’agissant des marchés de services, il y a lieu, pour l’application de ces dispositions, d’examiner si la spécification technique en cause a ou non pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques puis, dans l’hypothèse seulement d’une telle atteinte à la concurrence, si cette spécification est justifiée par l’objet du marché ou si tel n’est pas le cas, si une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle ;

5. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que les spécifications techniques figurant dans l’appel d’offre sont discriminatoires dans la mesure où elles ont pour effet de favoriser les candidats ayant des liens commerciaux avec la société propriétaire de la version « Network » du logiciel de messagerie Zimbra au détriment des entreprises offrant des solutions basées sur d’autres logiciels ou versions libres, tandis que cette limitation à la concurrence n’est pas justifiée par l’objet du marché ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que l’objet du marché est l’exécution de prestations de services de mise à disposition du GIP Renater d’une infrastructure IaaS ainsi que la mise en œuvre et exploitation du logiciel de messagerie Zimbra Collaboration Suite, auparavant acquis par celui-ci, et non la fourniture d’un logiciel de messagerie électronique ; que si les spécification techniques du marché imposaient alors aux candidats d’adapter leurs offres à la version « Network » du logiciel de messagerie Zimbra, une telle exigence correspondait aux besoins du pouvoir adjudicateur ayant déjà acquis les licences d’utilisation de cette version auprès de I’UGAP, selon un bon de commande du 18 décembre 2012 ; que ces exigences techniques étaient dès lors justifiées par l’objet du marché ; que, par ailleurs, les sociétés requérantes ne démontrent pas que l’exécution du marché implique l’accès et des modifications du code source du logiciel dont une partie n’est pas libre ("en Opensource") ni que ses concurrents bénéficient d’un tel accès au code source ou d’un droit de le modifier ; qu’ainsi, il n’apparaît pas non plus que les spécifications techniques précisées dans les documents de la consultation ont pour effet d’éliminer tout candidat n’ayant pas accès au code source de la version « Network » du logiciel de messagerie Zimbra ou avantageraient des concurrents des sociétés requérantes ayant passé un accord commercial avec la société propriétaire de cette version ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Nexedi et Linagora ne sont pas fondées à demander l’annulation de la procédure de passation du marché de service de messagerie collaborative et hébergement IaaS lancée par le GIP Renater ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à cette annulation doivent, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non recevoir opposée par le GIP Renater, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

7 Considérant que ces dispositions s’opposent à ce que soit mise à la charge du GIP Renater, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par les sociétés requérantes et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de condamner solidairement les sociétés Nexedi et Linagora, parties perdantes, à verser une somme de 1500 € au GIP Renater au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCISION

Article 1er : La requête de la société Nexedi et de la société Linagora est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Nexedi et Linagora verseront une somme de 1500 € au GIP Renater au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du GIP Renater est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Nexedi, à la société Linagora et au GIP Renater.

Le tribunal : M. Baffray

Avocats : Mes Savoye et d’Halluin, Me de Belenet


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